Thomas Paine

Définition

Mark Cartwright
par , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié sur 27 décembre 2023
Disponible dans d'autres langues: Anglais, Portugais
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Thomas Paine by Debos (by Laurent Debos, Public Domain)
Thomas Paine par Debos
Laurent Debos (Public Domain)

Thomas Paine (1737-1809) était un penseur anglo-américain des Lumières dont les idées radicales furent reprises par les révolutionnaires de la Révolution américaine (1765-1783) et de la Révolution française (1789-1799). Père fondateur grâce à son influence sur la Déclaration d'indépendance des États-Unis, Paine fut l'auteur des ouvrages suivants: Le sens commun (1776), Théorie et pratique des droits de l'homme (1791 et 1792) et Le Siècle de la raison (1794 et 1795).

Jeunesse

Thomas Paine vit le jour le 29 janvier 1737 à Thetford, dans le comté de Norfolk, en Angleterre. La mère de Thomas était anglicane et son père quaker. Thomas ne reçut aucune éducation formelle, ce qui était inhabituel pour quelqu'un dont l'œuvre serait si influente dans le dernier quart du XVIIIe siècle. Paine gagna sa vie en fabriquant des corsets, comme l'avait fait son père. Il se maria et ouvrit son propre commerce, mais subit la double tragédie de la mort de sa femme et de l'échec financier de son magasin. Thomas s'efforça alors de se stabiliser dans une carrière, passant d'un emploi à l'autre: commis aux douanes, vendeur et enseignant. En 1771, il se remaria. Trois ans plus tard, Thomas se retrouva sans emploi et séparé de sa femme. Il était temps de changer. Paine fut encouragé par un nouvel ami, Benjamin Franklin (1706-1790), à prendre la décision cruciale de quitter l'Angleterre en 1774 et de commencer une nouvelle vie en Amérique du Nord, où se trouvaient alors un certain nombre de colonies britanniques.

Écrits révolutionnaires

La vie en Amérique du Nord semblait beaucoup plus facile qu'en Angleterre. Paine obtint un poste d'enseignant, puis travailla comme journaliste pour le Pennsylvania Magazine, où il écrivit notamment des articles dénonçant l'esclavage. En janvier 1776, Paine publia un pamphlet intitulé Common Sense (Le Sens commun). Le titre, plutôt banal, cachait le contenu ultra-révolutionnaire du pamphlet puisque Paine n'y réclamait rien de moins que l'indépendance totale des Treize Colonies par rapport à la domination britannique. Il s'agissait de la première œuvre publique à lancer un tel appel, et elle se vendit comme des petits pains, avec environ 100 000 exemplaires vendus. Il proposait un système républicain comme meilleure forme de gouvernement pour remplacer le monarque britannique actuel, George III de Grande-Bretagne (r. de 1760 à 1820). Paine affirmait avec force que les colonies devaient se libérer de ce qu'il appelait "la brute royale de Grande-Bretagne" (Robertson, 710). Le Sens commun "a souvent été crédité d'avoir fait basculer l'opinion dans cette direction [c'est-à-dire la rébellion]" (Chisick, 306).

Ce sont les temps qui éprouvent l'âme des hommes. - Thomas Paine

Dans Le sens commun, Paine s'oppose à l'idée de la séparation des pouvoirs prônée par des penseurs tels que Montesquieu (1689-1757), c'est-à-dire la séparation de l'exécutif, du législatif et du judiciaire. Selon Paine, ce système ne fonctionnerait pas car aucune des branches n'est digne de confiance en elle-même, et encore moins chargée de contrôler une autre partie du gouvernement. Paine plaide en faveur d'une assemblée générale unique, mais cette solution est jugée trop simpliste. Le père fondateur et futur président des États-Unis John Adams (1735-1826) décrivit Paine comme "très peu au fait de la science du gouvernement" (Robertson, 714).

Title Page of Common Sense
Couverture du Sens commun
Niki K (Public Domain)

Tout au long de l'année 1776, Paine écrivit plusieurs autres ouvrages en faveur de l'indépendance, une cause un peu en perte de vitesse à l'époque. Le plus important de ces ouvrages fut la Crise américaine., qui commence par la phrase célèbre "Ce sont des temps qui éprouvent l'âme des hommes". Les treize colonies se séparèrent effectivement de la Grande-Bretagne en signant la Déclaration d'indépendance du 4 juillet 1776.

Paine était peut-être populaire auprès des radicaux et des révolutionnaires, mais il ne réussit pas à se fondre dans le nouvel establishment. Il était très étranger aux affaires politiques, et c'est peut-être la raison pour laquelle son œuvre exerça un tel attrait sur les personnes dépourvues de toute représentation.

Que ce soit en raison de ses origines sociales, de son excessive ndépendance ou d'une autre raison, Paine n'a pas réussi à s'intégrer dans l'élite des propriétaires terriens et des hommes d'affaires qui dirigeaient désormais les États-Unis d'Amérique nouvellement indépendants. Bien qu'il soit resté en bons termes avec des personnalités aussi importantes que George Washington et Thomas Jefferson, il s'est retiré dans une propriété que lui avait donnée l'État de New York pour cultiver la terre et travailler à des inventions. (Chisick, 306)

Théorie et pratique des droits de l'homme

C'est l'une des inventions de Paine qui le ramena en Angleterre en 1787. Il travaillait sur un projet d'ingénierie qui permettait la construction de ponts en fer d'une seule portée. L'idée du pont finit par être couronnée de succès, mais c'étaient les opinions politiques de Paine qui étaient sur le point de créer une autre tempête. Paine se lia d'amitié avec le philosophe irlandais Edmund Burke (1729-1797), mais les deux hommes étaient très éloignés l'un de l'autre au sujet de la pensée des Lumières.

Thomas Paine by John Wesley Jarvis
Thomas Paine de John Wesley Jarvis
John Wesley Jarvis  (Public Domain)

En 1791, Paine rédigea son célèbre ouvrage Théorie et pratique des droits de l'homme, première partie. L'ouvrage connut le même succès que Le Sens commun et se vendit à 100 000 exemplaires, la plupart du temps dans des éditions bon marché qui rendaient l'ouvrage abordable pour les personnes sur lesquelles Paine écrivait. L'ouvrage fut écrit en réponse aux Réflexions sur la révolution en France de Burke (publiées en 1790), qui soutenait le rôle de la religion dans le maintien de l'ordre social et désapprouvait le renversement passionné d'institutions séculaires en France. Paine nota qu'en étant trop respectueux du passé, "M. Burke défend l'autorité des morts sur les droits et la liberté des vivants" (Robertson, 740).

Les opinions radicales de Paine l'obligèrent à quitter l'Angleterre, sous peine d'être jugé pour trahison.

La deuxième partie de l'ouvrage de Paine fut publiée en 1792. Paine s'attaquait désormais à presque tous les niveaux de la société, mais surtout à la monarchie et à l'aristocratie. Il s'opposait à toute forme de privilège et estimait que l'État devait aider les moins fortunés en leur offrant une éducation gratuite, des pensions et même des allocations de maternité. Paine pensait qu'une société plus égalitaire serait une société moins corrompue, car il notait que "là où il n'y a pas de distinctions, il ne peut y avoir de supériorité; l'égalité parfaite n'offre aucune tentation" (Robertson, 715). Pour ce faire, il souhaitait supprimer les titres de noblesse et la Chambre des Lords en Angleterre avec ses législateurs dont la seule qualité était d'avoir été législateur de père en fils. Selon Paine, les monarques disposaient d'un ensemble de compétences tout aussi limité pour occuper leur position de pouvoir.

Les idées de Paine sur la réforme électorale étaient encore plus radicales. Paine proposait que tous les hommes aient le droit de vote. Il soutenait que "tout droit civil découle d'un droit naturel, qui ne doit jamais être envahi par des autorités dont la seule fonction est de le renforcer" (Yolton, 459). Les opinions radicales de Paine l'obligèrent à quitter l'Angleterre, sous peine d'être jugé pour trahison.

Politique française

Paine s'installa en France en 1792 dans l'espoir d'être le témoin d'une révolution de la liberté et d'une répartition plus équitable des richesses d'une nation. La réputation radicale de Paine le précéda et il fut très bien accueilli par ceux qui avaient déjà leur révolution en marche. Paine obtint la citoyenneté française et fut élu à la Convention en tant que représentant du Pas-de-Calais (bien qu'il n'ait parlé qu'un français limité). La Convention venait de rédiger une nouvelle constitution. Paine assista même aux séances de la Convention et participa régulièrement, vraisemblablement avec l'aide d'un traducteur, au Comité pour la Constitution. Paine souhaitait l'abolition de la monarchie en France, mais il n'appelait pas à l'exécution de Louis XVI (r. de 1774 à 1792).

Return of Louis XVI to Paris After Varennes
Retour de Louis XVI à Paris après Varennes
Jean Duplessis-Bertaux (Public Domain)

À plus long terme, Paine trouva la France aussi inconfortable que l'Angleterre. Paine désapprouvait fortement la direction que prenait la Révolution française, en particulier lorsque commença la Terreur, les persécutions soutenues par l'État qui virent la révolution atteindre un point culminant sanglant en 1793-4. Dans une lettre privée écrite en mai 1793, Paine déplora:

Je désespère maintenant de voir s'accomplir le grand objectif de la liberté européenne; et mon désespoir ne vient pas des puissances étrangères combinées, ni des intrigues de l'aristocratie et de la prêtrise, mais de l'inconduite tumultueuse avec laquelle les affaires internes de la révolution actuelle sont conduites. (Cameron, 294).

Alors que l'État procédait à des exécutions et à des emprisonnements de masse, Paine se retrouva pris dans le filet de l'hystérie, et il fut emprisonné entre 1793 et 1794. Paine attribua son évasion de prison et sa condamnation à mort par guillotine à la providence divine (les geôliers n'avaient pas remarqué l'inscription à la craie sur la porte de sa cellule, qui indiquait qu'il devait être exécuté). Désillusionné, peut-être, mais Paine continua de croire que "les révolutions d'Amérique et de France ont jeté sur le monde un rayon de lumière qui atteint l'homme" (Robertson, 741).

Le siècle de la raison

Après avoir retrouvé sa liberté, Paine put diriger sa plume vers un nouvel ennemi: l'Église chrétienne, en particulier l'Église catholique. Comme de nombreux penseurs éclairés contemporains, tels que David Hume (1711-1776) et Voltaire (1694-1778), Paine était un déiste, c'est-à-dire quelqu'un qui croit en l'existence de Dieu, mais seulement en tant que créateur qui n'est pas disponible pour communiquer ou interagir dans le monde qu'il a créé, ce qui signifie que la religion organisée est plutôt inutile. Paine défendit ses convictions en soulignant que "nous sommes tous des infidèles selon la croyance de nos ancêtres" (Gottlieb, 81).

Encyclopedie Frontispiece
Frontispice de l'Encyclopédie
B.-L Provost/Charles-Nicolas Cochin II (Public Domain)

Dans Le siècle de la raison, écrit en prison en France mais publié en deux parties en 1794 et 1795, Paine s'en prend à l'ingérence de l'Église dans les affaires du monde, il défend vigoureusement les principes des Lumières et, surtout, comme le suggère le titre, il se fait le champion de la valeur de la raison. Paine est favorable aux croyances religieuses privées, qu'il considère comme un droit inaliénable. En outre, il préconise plus qu'une simple tolérance à l'égard des diverses opinions religieuses:

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La tolérance n'est pas le contraire de l'intolérance, elle en est la contrefaçon. Les deux sont des despotismes. L'un s'arroge le droit de refuser la liberté de conscience, et l'autre de l'accorder. L'un est le pape armé du feu et du fagot, l'autre est le pape qui vend ou accorde des indulgences. (Robertson, 133)

Paine écrivit un autre article exposant sa vision de la manière dont la société devrait s'organiser dans Justice agraire, publié en 1796. Cet ouvrage était bien en avance sur son temps et appelait à un système d'imposition progressif capable de financer une société plus juste, reprenant ses idées dans Théorie et pratique des droits de l'homme en faveur d'un système de sécurité sociale publique permettant à l'État de remplir l'une de ses fonctions principales selon Paine: veiller au bien-être de ses citoyens. Paine retourna en Amérique en 1802, mais il n'était pas populaire en raison de son Siècle de la raison, les colons n'étant pas favorables aux attaques contre la religion chrétienne.

Principales œuvres de Paine

Les œuvres les plus importantes de Thomas Paine sont les suivantes (les dates de publication sont indiquées entre parenthèses) :

Le sens commun (1776)
Théorie et pratique des droits de l'homme, première partie (1791)
Théorie et pratique des droits de l'homme, deuxième partie (1792)
Le siècle de la raison, première partie (1794)
Le siècle de la raison, deuxième partie (1795)
Justice agraire (1796)

Statue of Thomas Paine, Thetford
Statue de Thomas Paine, Thetford
PDB1234 (CC BY-SA)

Mort et héritage

Les dernières années de Paine se déroulèrent dans une relative obscurité. Il mourut à New York le 8 juin 1809. Ses funérailles furent particulièrement discrètes pour un homme dont l'œuvre avait contribué à inspirer deux révolutions capitales. Le radical ne peut même pas reposer en paix puisque William Cobbett, un autre penseur radical, prit l'initiative d'exhumer ses restes et de les transporter en Angleterre pour y ériger un monument commémoratif. Malheureusement, Cobbett réussit à perdre la dépouille de Paine en cours de route.

L'héritage de Paine est que, comme l'indique amplement son adoption par les révolutionnaires des deux côtés de l'Atlantique, il fut l'un des premiers penseurs à s'éloigner des préoccupations habituelles des philosophes éclairés hautement éduqués et à aborder les questions des Lumières en se référant directement à une partie de la population jusqu'alors ignorée: l'homme qui travaille. L'historien H. Chisick résume ainsi la contribution unique de Paine à la pensée des Lumières:

...sa voix reste distinctive... reflétant... les expériences de vie d'un homme incontestablement intelligent qui est venu à la politique par le biais de conflits du travail, d'une vie professionnelle variée, d'une société de débat dans une taverne et de postes d'enseignant et de journaliste qui étaient le lot de tant de personnes en marge de la communauté éclairée. Grâce à ce contexte et aux ressources de sa propre personnalité, Paine a pu s'adresser à la fois aux érudits de son époque et aux artisans de la population sur des questions dont ces derniers avaient été largement exclus. Sa réussite est remarquable et marque les limites démocratiques et radicales de la pensée des Lumières. (308)

Questions et réponses

Pour quoi Thomas Paine est-il surtout connu ?

Thomas Paine est surtout connu pour avoir écrit des ouvrages radicaux comme Le sens commun et Les droits de l'homme, qui appelaient les 13 colonies d'Amérique du Nord à se débarrasser de la domination coloniale britannique et à former une république. Il a également écrit L'âge de raison, qui s'attaque au rôle des institutions religieuses dans les affaires de l'État.

Quels étaient les principaux points du livre Le sens commun de Thomas Paine ?

Les principaux points du Sens commun de Thomas Paine sont que les 13 colonies d'Amérique du Nord devraient se déclarer indépendantes de la Grande-Bretagne, former leur propre république et se gouverner elles-mêmes par le biais d'une assemblée générale unique.

À propos du traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

A propos de l'auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

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Style APA

Cartwright, M. (2023, décembre 27). Thomas Paine [Thomas Paine]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Récupéré de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-22514/thomas-paine/

Le style Chicago

Cartwright, Mark. "Thomas Paine." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. Dernière modification décembre 27, 2023. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-22514/thomas-paine/.

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Cartwright, Mark. "Thomas Paine." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 27 déc. 2023. Web. 07 oct. 2024.

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