Alboïn

Définition

Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 15 décembre 2014
Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol
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Assassination of Alboin (detail) (by Dreweatts Auction Catalogue, Public Domain)
Assassinat d'Alboïn, roi des Lombards (détail)
Dreweatts Auction Catalogue (Public Domain)

AlboÏn (r. de 560 à 572) était un roi des Lombards qui conduisit son peuple en Italie et fonda le Royaume des Lombards qui dura de 568 à 774. Son père était Aldoin, roi des Lombards, et sa mère la reine Rodelinde.

Il vit probablement le jour vers 530 en Pannonie, reçut une formation militaire et combattit les tribus des Avars et des Gépides avant de conduire son peuple en Italie. Après la mort de sa première femme, Clodoswinthe, il épousa Rosemonde, la fille du roi gépide Cunimond qu'Alboïn avait tué au combat. En dépit de ses victoires militaires et de son règne fructueux, Alboïn fut connu des générations suivantes principalement pour avoir été assassiné par sa femme, ce qui servit de base aux peintures de plusieurs artistes et à des œuvres telles que l'opéra Rosamunda de Giovanni Rucellai (1525) et le drame en vers Rosamund d'Algernon Charles Swinburne (1860).

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Ces deux artistes se sont largement inspirés de l'œuvre principale sur Alboïn : l'Histoire des Lombards de Paul le Diacre, datant du 8e siècle. Paul rapporte qu'en 572, après qu'Alboïn ait régné sur l'Italie pendant près de quatre ans, Rosemonde le fit assassiner pour venger le meurtre de son père. Le caractère dramatique de l'assassinat et de la façon dont Alboïn avait traité Rosemonde au cours de leur mariage donna lieu à des œuvres de fiction dans lesquelles soit Alboïn, soit Rosemonde est dépeint comme une figure tragique qui souffre injustement. Cependant, selon les sources primaires (en particulier celle de Paul le Diacre), Alboïn était un chef de guerre tribal qui avait établi une patrie pour son peuple et avait traité sa femme captive comme n'importe quelle autre prise de guerre ; il paya de sa vie ce traitement cruel.

Victoires militaires et règne en Pannonie

On ne sait rien des premières années ou de l'éducation d'Alboïn. Ses exploits ultérieurs suggèrent qu'il reçut une formation militaire et, en tant que fils du roi, fut très probablement instruit en politique. Paul le Diacre rapporte pour la première fois qu'il succéda à son père, Aldoin, en l'an 560. Aldoin s'était allié à l'Empire byzantin, mais lui ou Alboïn décida d'élargir sa base de pouvoir en s'alliant également aux Francs dont la puissance était alors croissante. Vers 560, Alboïn épousa donc la fille du roi franc Clotaire Ier, Clodoswinthe, pour garantir cette alliance. L'historien Francesco Borri écrit :

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Alboïn devait être un homme très puissant, même si les sources contemporaines décrivant ses activités politiques et militaires sont peu nombreuses... Le fait qu'Alboïn ait pu épouser une princesse franque, ce qu'aucun roi lombard après lui n'a pu faire, confirme son importance dans le scénario de l'Europe romaine tardive. (223-224)

Les Lombards furent peut-être invités en Pannonie par l'Empire byzantin pour faire face à la menace des tribus gépides de la région ou arrivèrent peut-être de leur propre chef. Quoi qu'il en soit, les conflits entre les Lombards et les Gépides étaient courants, et les Lombards s'allièrent à une autre tribu, les Avars, pour écraser une fois pour toutes les Gépides. Les Avars étaient également venus en Pannonie, soit à l'invitation de l'empereur Justin II, soit de leur propre initiative. Le khagan avar Bayan Ier (r. de 562/565 à 602) avait conclu un accord avec Alboïn selon lequel, si leur alliance permettait de vaincre les Gépides, les Avars recevraient les terres des Gépides.

Selon Paul le Diacre, en 567, les Gépides, désormais sous le règne de leur roi Cunimond, attaquèrent les Lombards (bien que d'autres sources affirment qu'Alboïn et Bayan Ier déclenchèrent les hostilités). Les dates précises des alliances entre l'Empire byzantin, les Lombards, les Avars et les Gépides sont confuses en raison de contradictions constantes dans les sources primaires, mais il semble qu'à cette époque, les Lombards et les Avars étaient étroitement alliés contre les Gépides avec le soutien de l'Empire byzantin.

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L'alliance écrasa donc les Gépides, et Alboïn tua Cunimond en le décapitant au combat. Il prit la tête du roi comme trophée et la fit ensuite transformer en coupe à vin qu'il porta à sa ceinture. D'autres sources, cependant, affirment que c'est Bayan Ier qui tua Cunimond, le décapita et donna le crâne à Alboïn pour célébrer leur victoire commune.

En 572, Rosemonde ne pouvait plus tolérer d'être mariée à l'homme qui avait tué son père et qui portait son crâne à sa ceinture en guise de coupe à boire.

Après la défaite des Gépides, Alboïn consolida sa domination et marqua les limites de son territoire. Les Avars, cependant, avaient réussi à occuper une plus grande partie de la région que les Gépides avant eux, en raison de l'accord qu'Alboïn avait conclu avant la bataille, et ils menaçaient les territoires lombards. Alboïn épousa alors Rosemonde, fille de Cunimond, pour former une alliance avec les Gépides contre les Avars, mais il était trop tard.

Les Avars de Bayan Ier étaient désormais trop puissants, et les forces gépides étaient trop affaiblies par la guerre précédente pour se révéler très utiles. Alboïn réalisa que la ligne de conduite la plus prudente était de quitter la Pannonie, mais il ne savait pas où mener son peuple. Un grand nombre de troupes lombardes avaient servi dans les forces impériales sous les ordres du général byzantin Narsès en Italie, et s'étaient particulièrement illustrées au combat lors de la bataille de Taginae en 552, où Narsès avait vaincu le roi ostrogoth Totila et reconquis l'Italie pour l'empire. Ces soldats se souvenaient encore de l'Italie comme d'une terre fertile, et soit ils suggérèrent à Alboïn de s'y rendre, soit, selon d'autres sources, Narsès en personne les invita en Italie (cette dernière affirmation est régulièrement contestée). Quel qu'en ait été le motif, en avril 568, Alboïn conduisit les Lombards hors de Pannonie, sur les terres de l'Italie du Nord.

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Migration vers l'Italie et règne

L'Empire byzantin avait été en guerre contre les Ostrogoths d'Italie depuis la mort de Théodoric le Grand en 526 jusqu'à la victoire de Narsès sur les Goths à la bataille de Mons Lactarius en 555. En 568, l'Italie faisait donc partie de l'Empire byzantin, mais n'était que faiblement fortifiée ou défendue. Tant de ressources avaient été dépensées pour la reconquérir des mains des Goths pendant tant d'années que l'empire semblait maintenant confiant, pour on ne sait quelle raison, que la région pourrait se défendre si nécessaire. Alboïn et son peuple entrèrent en Italie par le nord et prirent la ville de Forum Iulii sans combattre.

De là, il marcha sur Aquileia et, une fois cette ville assujettie, poursuivit sa conquête de la région jusqu'à ce que, en 569, il ait pris Milan et contrôlé le nord de l'Italie sans s'engager dans aucun conflit militaire sérieux. Entre 569 et 572, Alboïn conquit la majeure partie du reste du pays (bien que certaines parties aient encore été sous le contrôle de l'Empire byzantin, comme Rome), établissant sa capitale à Vérone et assiégeant Pavie, la seule ville à avoir résisté de manière significative à l'invasion lombarde. Il fallut trois ans de siège pour prendre la ville et, pendant ce temps, Alboïn entreprit d'établir son royaume depuis son palais de Vérone.

Alboin from the Nuremberg Chronicle
Alboïn dans les Chroniques de Nuremberg
Michel Wolgemut, Wilhelm Pleydenwurff (Public Domain)

Il divisa le pays en 36 territoires appelés "duchés", présidés par un duc qui devait rendre compte directement au roi. Bien que ce système ait permis un gouvernement efficace d'un point de vue bureaucratique, il laissa trop de pouvoir entre les mains des ducs individuels, et les régions prospérèrent ou souffrirent en fonction de la qualité de leur duc spécifique.

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Alboïn gouvernait efficacement depuis Vérone mais, comme il était plus préoccupé par la sécurisation de ses frontières contre les Francs et par la résistance aux efforts de l'empire d'Orient pour le déloger, il laissait les affaires gouvernementales à ses subordonnés, ce qui entraîna un manque de cohésion entre les territoires, car chaque duc, naturellement, voulait le meilleur pour sa propre région. Ces ducs agirent donc de manière autonome en conquérant des régions vers le sud de l'Italie qui, selon les spécialistes, n'avaient aucun intérêt à être prises à l'Empire byzantin.

Les sources sur le règne d'Alboïn sont peu nombreuses. Paul le Diacre écrit comment sous le règne d'Alboïn,

il y avait ce merveilleux royaume des Lombards. Il n'y avait pas de violence, pas de pièges à complots, et pas d'autres injustement opprimés. Personne ne pillait et il n'y avait pas de vols, il n'y avait pas de brigandage ; chacun allait où il voulait, en sécurité et sans aucune crainte. (Histoire, III, 16)

Bien que cette description soit considérée par les spécialistes comme exagérée, il semble que le règne d'Alboïn ait apporté stabilité et prospérité à l'Italie, en particulier dans le nord, et qu'il ait été un monarque efficace malgré les activités des différents ducs. Bien qu'ils aient agi dans leur propre intérêt, les historiens supposent (sur la base de la réaction générale à la mort d'Alboïn et de ses retombées) qu'ils semblent avoir cru qu'ils poursuivaient une voie qu'Alboïn aurait de toute façon approuvée.

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Assassinat et retombées

Le mariage d'Alboïn avec Rosemonde ne fut jamais heureux. Paul le Diacre affirme qu'Alboïn abusait régulièrement de sa femme et se moquait d'elle. Le mariage, comme beaucoup d'autres impliquant la noblesse à travers les âges, n'était qu'un moyen d'obtenir une alliance. De plus, Rosemonde était déjà la captive d'Alboïn après la défaite et la mort de Cunimond, et elle n'avait donc guère eu le choix d'épouser ou non le roi lombard. En juin 572, elle arriva apparemment au point où elle ne tolérait d'être mariée à l'homme qui avait tué son père et portait son crâne à sa ceinture en guise de coupe à boire. Paul écrit :

Lorsqu'il [Alboïn] était plus gorgé de vin que de raison lors d'un festin à Vérone, il demanda qu'on donne du vin à la reine pour qu'elle le boive dans la coupe qu'il avait fabriquée avec la tête de son beau-père Cunimundus. Il l'invita à boire joyeusement avec son père... Aussi, lorsque Rosamund apprit l'affaire, elle conçut dans son cœur une profonde douleur qu'elle ne put étouffer. Elle brûlait de venger la mort de son père sur son mari. (Histoire, III, 18)

Rosemonde réussit à convaincre le frère adoptif d'Alboïn, Helmichis, de l'assassiner. D'autres sources sur l'assassinat d'Alboïn (comme Grégoire de Tours ou Marius d'Avenches) fournissent des détails différents, mais toutes s'accordent à dire que le complot avait été manigancé par Rosemonde qui était peut-être tombée amoureuse d'Helmichis ou, du moins, avait une liaison avec lui. Rosemonde et Helmichis enrôlèrent un garde du corps nommé Peredeo, qui fut impliqué dans la conspiration par Rosemonde. Celle-ci s'était déguisée en servante, avait eu des relations sexuelles avec lui, puis l'avait fait chanter pour qu'il s'engage à la servir. Un jour, alors qu'Alboïn s'était retiré dans sa chambre pour se reposer après le déjeuner, Helmichis et Peredeo l'attaquèrent. Rosemonde avait ordonné que Peredeo attache l'épée d'Alboïn à son lit afin que le roi soit désarmé. Alboïn repoussa ses assaillants avec un pouf mais fut terrassé et tué.

Alboin and Rosamunde
Alboïn et Rosemonde
Aldux (Public Domain)

Les deux amants, ainsi que la fille d'Alboïn issue de son premier mariage, Peredeo, le trésor royal et une partie de l'armée, s'enfuit ensuite de Vérone vers la ville de Ravenne, contrôlée par les Byzantins. Cette façon d'agir a suggéré à de nombreux historiens que l'assassinat avait en fait été fomenté par l'Empire byzantin et que Rosamonde avait été manipulée.

Si l'empire a bel et bien pu jouer un rôle dans la mort d'Alboïn (et en aurait certainement été soulagé), les sources primaires affirment toutes que l'assassinat avait été planifié et exécuté par Rosemonde pour venger la mort de son père et punir son mari pour les mauvais traitements qu'il lui avait infligés. Malgré cela, le fait que les conspirateurs aient été accueillis à Ravenne et qu'après leur mort, le trésor royal et la fille d'Alboïn aient été envoyés à Constantinople, plaide en faveur d'une implication byzantine dans l'assassinat d'Alboïn.

Helmichis et Rosemonde se marièrent à Ravenne, et il se proclama roi. Les ducs refusèrent cependant de le reconnaître et proclamèrent leur propre roi, Cleph, le duc de Pavie, ville qui avait finalement été assiégée. Rosemonde, apparemment, ne trouva pas Helmichis plus à son goût qu'Alboïn et elle finit par empoisonner sa coupe de vin. Helmichis, soupçonnant sa trahison, la fit boire dans la coupe soit avant, soit juste après, et c'est ainsi qu'ils moururent tous deux de la main de l'autre.

Conclusion

Cleph régna pendant 18 mois avant d'être assassiné par l'un de ses serviteurs. Les différents ducs s'affrontèrent ensuite pour le contrôle du royaume de 572 à 586, date à laquelle le roi Authari fut élu afin de lutter contre les incursions des Byzantins et des Francs. Le royaume lombard d'Italie maintint son contrôle sur la région, perdant parfois un peu de territoire mais parfois en gagnant beaucoup, jusqu'en 774, date à laquelle il fut conquis par Charlemagne des Francs et absorbé dans son empire.

Bien que les rois lombards ultérieurs, tels qu'Agilulf (r. de 590 à 616), Rothari (r. de 636 à 652) et, surtout, Liutprand (r. de 712 à 744), aient fait de plus grands progrès en matière de conquête et de gouvernement qu'Alboïn, le premier roi lombard d'Italie reste dans les mémoires pour avoir conduit son peuple vers une patrie sûre et avoir établi un royaume qu'il estimait pouvoir s'approprier. Sa vie et ses réalisations ont été éclipsées par sa mort et sa transformation ultérieure en un personnage de tragédie littéraire, mais, de son vivant, il semble avoir été un homme d'une puissance et d'une vision considérables pour l'avenir de son peuple.

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Bibliographie

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2014, décembre 15). Alboïn [Alboin]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-13474/alboin/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Alboïn." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le décembre 15, 2014. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-13474/alboin/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Alboïn." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 15 déc. 2014. Web. 14 oct. 2024.

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