Zénon de Kition

Définition

Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 15 février 2011
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Disponible dans ces autres langues: anglais, chinois, allemand
Zeno of Citium [Pushkin Cast] (by shakko, CC BY-SA)
Zénon de Kition, moulage de Pouchkine
shakko (CC BY-SA)

Zénon de Kition (c. 336 - 265 av. J.-C.) fut le fondateur de l'école philosophique stoïcienne d'Athènes, qui enseignait que le Logos (la raison universelle) était le plus grand bien de la vie et que vivre en accord avec la raison était le but de la vie humaine.

Si l'on vit selon l'instinct de l'impulsion et de la passion, on n'est rien de plus qu'un animal; si l'on vit selon la raison universelle, on est vraiment un être humain menant une existence qui en vaut la peine. Cette philosophie serait développée plus tard par le philosophe stoïcien Épictète (c.50-130 de notre ère) et d'autres, et aurait un impact significatif sur le peuple de Rome, notamment sur l'empereur Marc-Aurèle (r. de 161 à 180 de notre ère). Le stoïcisme devint l'une des philosophies les plus populaires et les plus influentes du monde romain.

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Zénon avait été marchand jusqu'à ce qu'il ne découvre les enseignements de Socrate (c. 470/469 - 399 av. J.-C.), l'emblématique philosophe grec, grâce à un livre écrit par l'un des élèves de Socrate, Xénophon (430 - c. 354 av. J.-C.), connu sous le nom de " Memorabilia" (Mémoires). Ce livre contenait des conversations avec Socrate, sa philosophie et les souvenirs de Xénophon sur le temps passé en tant qu'élève de Socrate. Zénon fut tellement captivé par l'ouvrage qu'il quitta son ancienne profession et se consacra à l'étude de la philosophie, devenant lui-même professeur. Son école influencerait le développement de la philosophie romaine lorsque l'un de ses élèves, Diogène de Babylone (c. 230 - c. 140 av. J.-C.), introduirait le stoïcisme à Rome en 155 av. J.-C.

Jeunesse

Zénon vit le jour dans la ville greco-phénicienne de Kition, sur l'île de Chypre, l'année même où Alexandre le Grand montait sur le trône de Macédoine. Son père était un marchand qui se rendait souvent à Athènes et Zénon reprit tout naturellement la profession de son père. On ne sait pas si Zénon avait étudié la philosophie dans sa jeunesse mais, vers l'âge de 22 ans, alors qu'il était bloqué à Athènes après un naufrage, il prit un exemplaire des Memorabilia de Xénophon et fut tellement impressionné par la figure de Socrate qu'il abandonna son ancienne vie et fit de l'étude de la philosophie son seul centre d'intérêt.

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Zénon étudia auprès de Cratès de Thèbes (c. 360-280 av. J.-C.), puis de Stilpon de Mégare, avant de devenir l'élève de Polémon. De chacun de ces hommes, il apprit un aspect différent de la vie d'un philosophe. De Stilpon, par exemple, on dit qu'il apprit que la plus grande faute dans la vie consistait à dire "oui" trop rapidement à n'importe quelle demande et qu'il fallait éviter de le faire pour vivre une vie tranquille. En cela, il précède l'affirmation de Sartre selon laquelle dire "non" est une affirmation de l'identité personnelle, tandis qu'accepter la demande d'un autre diminue la personnalité individuelle. Après de nombreuses années d'études, Zénon créa sa propre école et commença à enseigner sous les porches (les "stoa") de l'arcade de la place du marché d'Athènes, et c'est ainsi que son école prit le nom du lieu d'apprentissage, Stoïcien.

Élève et professeur

Zénon pensait qu'il fallait courtiser la raison et reconnaître que toutes les choses sont impermanentes et sans valeur durable.

La tradition veut que Zénon ait dit plus d'une fois: "J'ai fait un voyage prospère alors que j'ai fait naufrage", ce qui signifie qu'avant sa venue à Athènes, sa vie n'avait aucun sens. La discipline philosophique donna à Zénon une orientation qui semble lui avoir fait défaut en tant que marchand et il se consacra à l'étude et, plus important encore, à la mise en pratique des valeurs qu'il avait absorbées de ses professeurs et des livres qu'il avait lus.

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Le professeur Forrest E. Baird écrit que Zénon "soutenait que la vertu, et non le plaisir, était le seul bien et que la loi naturelle, et non l'oscillation aléatoire des atomes, était le principe clé de l'univers" (505). Les Athéniens le louaient pour sa tempérance, sa constance à vivre ce qu'il enseignait et l'effet positif qu'il avait sur la jeunesse de la cité.

Zénon ne semble pas avoir été du genre à tenir sa langue lorsqu'il voyait ce qu'il percevait comme de la folie chez les jeunes qui l'entouraient et nombre de ses remarques ressemblent à des déclarations qu'aurait faites Diogène de Sinope (c. 404-323 av. J.-C.). Contrairement au "Socrate fou" de l'Agora (surnom donné à Diogène), Zénon vécut une vie de respectabilité athénienne traditionnelle, tout en refusant de compromettre ses principes pour ce que la société valorisait.

Philosophie de Zénon

Pour Zénon, il était clair que la plupart des Athéniens souffraient parce qu'ils désiraient ce qu'ils n'avaient pas ou craignaient de perdre ce qu'ils aimaient. La recherche du plaisir, telle qu'elle est défendue par la philosophie épicurienne (issue de l'école cyrénaïque d'Aristippe, c. 435-356 av. J.-C., un autre élève de Socrate), ne peut jamais satisfaire un être humain, car celui-ci serait toujours en train de courir après ce qu'il désire ou d'essayer de s'accrocher à ce qu'il a déjà obtenu. Au lieu de rechercher le plaisir, il faut faire appel à la raison et reconnaître que toutes les choses sont impermanentes et sans valeur durable.

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Une fois que l'on a compris cela, on atteint un état d'apathie éclairée dans lequel on est libéré de "l'esclavage de ses passions" (Mautner, 607). C'est cette croyance qui rendit l'école stoïcienne si populaire auprès des Grecs de l'époque et, plus tard, des Romains: Les enseignements de Zénon clarifiaient l'esprit et permettaient de voir au-delà de ce que l'on pense vouloir pour reconnaître tout ce dont on a réellement besoin, c'est-à-dire simplement le soi. Si l'on est conscient de soi, on est également conscient des autres et, en outre, on reconnaît que c'est dans la simplicité que l'on peut trouver le véritable contentement. Ces enseignements, bien sûr, sont plus connus aujourd'hui comme les principes de base du bouddhisme, mais ils furent également défendus par un certain nombre de philosophes présocratiques de Grèce.

Zeno of Citium Bust
Buste de Zénon de Kition
Wikipedia User: Rama (CC BY-SA)

L'écrivain antique Diogène Laërce (c. 180-240 de notre ère) conserva certains des enseignements de Zénon dans son ouvrage Vies et opinions d'éminents philosophes. Il écrit que Zénon déclara:

Quant à l'affirmation de certains selon laquelle le plaisir est l'objet vers lequel se dirige la première impulsion des animaux, les stoïciens en démontrent la fausseté. Car le plaisir, s'il est réellement ressenti, est, selon eux, un sous-produit, qui ne vient jamais avant que la nature n'ait elle-même cherché et trouvé les moyens adaptés à l'existence ou à la constitution de l'animal; c'est une séquelle comparable à la condition des animaux qui prospèrent et des plantes qui s'épanouissent. La nature, disent-ils, n'a pas fait de différence à l'origine entre les plantes et les animaux, car elle règle aussi la vie des plantes, sans impulsion ni sensation, de même que certains processus végétatifs se déroulent en nous. Mais lorsque, dans le cas des animaux, l'impulsion a été ajoutée, ce qui leur permet d'aller à la recherche de leur nourriture, pour eux, disent les stoïciens, la règle de la nature est de suivre la direction de l'impulsion. Mais lorsque la raison, par le biais d'une direction plus parfaite, a été conférée aux êtres que nous appelons rationnels, pour eux la vie selon la raison devient à juste titre la vie naturelle. Car la raison supervise la formation scientifique de l'impulsion (Baird, 507).

Zénon dit simplement que les animaux recherchent le plaisir parce qu'ils sont gouvernés par l'instinct qui les pousse à l'impulsion; mais les êtres humains, puisqu'ils ont reçu la raison, devraient être gouvernés par la pensée rationnelle et vivre raisonnablement. Poursuivre le plaisir comme sens de la vie et penser que l'on vit bien, c'est n'être qu'un animal ou, comme le dirait plus tard Shakespeare dans Hamlet:

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Qu'est-ce que l'homme, s'il n'a pour but et activité que de dormir et de manger? Une bête, rien de plus. Certes, celui qui nous a fait avec un tel verbe, et une telle clairvoyance, ne nous a pas donné cette capacité, cette raison divine, pour qu'elles moisissent en nous inactive.

(Acte IV.iv.33-39, Hamlet ultime traduction)

Pour être un véritable être humain, il faut se comporter comme un véritable être humain: rationnellement.

République de Zénon

Lorsqu'il étudia sous la direction de Cratès à Thèbes, Zénon écrivit sa République, qui est une vision de la société parfaite bien différente de la cité-état idéale imaginée par Platon dans son ouvrage du même nom. La République de Zénon est une utopie dont les citoyens revendiquent l'univers comme leur maison et où chacun vit en accord avec les lois naturelles et la compréhension rationnelle. Les hommes et les femmes sont parfaitement égaux aux yeux de la société et il n'y a pas d'injustice car toutes les actions découlent de la raison.

Aucune loi n'est nécessaire car il n'y a pas de crime et, comme les besoins de chacun sont satisfaits de la même manière que les animaux dans la nature, il n'y a ni avidité, ni convoitise, ni haine d'aucune sorte. L'amour régit toutes choses et tous les habitants de cette cosmopolis comprennent qu'ils ont ce dont ils ont besoin et ne désirent rien de plus.

On pense que cette vision fut largement inspirée par la vie de Cratès et de sa femme Hipparchia de Maronée, qui vivait sur un pied d'égalité avec lui, portait des vêtements d'homme et enseignait la philosophie aux hommes. Cratès et Hipparchia vécurent leur vie en accord avec la simplicité de la raison et la vision de Zénon dans sa République reflète ce point de vue. Plutarque écrirait plus tard à propos de l'œuvre de Zénon:

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Il est vrai que la République tant admirée de Zénon, premier auteur de la secte stoïcienne, vise uniquement à ce que, ni dans les villes ni dans les villages, nous ne vivions sous des lois distinctes les unes des autres, mais que nous considérions tous les gens en général comme nos compatriotes et nos citoyens, observant une même manière de vivre et un même type d'ordre, comme un troupeau paissant ensemble avec un droit égal dans un pâturage commun. Zénon écrivait cela en imaginant, comme dans un rêve, un certain schéma d'ordre civil et l'image d'un commonwealth philosophique.

Conclusion

Zénon vécut et enseigna à Athènes depuis son arrivée après son naufrage jusqu'à sa mort. Il mourut, apparemment suicidé, après avoir trébuché en sortant de l'école et s'être cassé l'orteil. Allongé sur le sol, il aurait cité un vers du Niobé de Timothéos: "Je viens de moi-même, pourquoi m'appeler ainsi?", puis, interprétant l'accident comme un signe qu'il devait partir, il s'étrangla.

Si cette fin peut sembler étrange pour un homme qui prêchait la primauté de la raison, elle ne l'aurait pas été pour lui. Lorsqu'une période heureuse de la vie s'achève, il est irrationnel de s'accrocher au passé et de souhaiter son retour; rien ne peut faire revenir cette époque et la nostalgie d'un passé impossible ne fait que nous priver du présent. Zénon était un vieil homme lorsqu'il se serait cassé l'orteil et, réalisant qu'il avait vécu une vie bonne et significative à Athènes, il aurait peut-être simplement conclu qu'il était temps pour lui de passer à quelque chose, et quelque part, d'autre.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2011, février 15). Zénon de Kition [Zeno of Citium]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-10121/zenon-de-kition/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Zénon de Kition." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le février 15, 2011. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-10121/zenon-de-kition/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Zénon de Kition." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 15 févr. 2011. Web. 27 avril 2024.

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