La civilisation de la vallée de l'Indus était une entité culturelle et politique qui s'épanouit dans la région nord du sous-continent indien entre environ 7000 et environ 600 avant notre ère. Son nom moderne dérive de son emplacement dans la vallée de l'Indus, mais elle est aussi communément appelée la civilisation Indus-Sarasvatî ou encore civilisation harappéenne.
Ces dernières désignations proviennent de la rivière Sarasvatî, mentionnée dans les sources védiques, qui coulait à côté de l'Indus, et de la ville antique de Harappa, la première trouvée à l'époque moderne. Aucun de ces noms ne provient de textes anciens car, bien que les chercheurs pensent généralement que les habitants de cette civilisation aient développé un système d'écriture (connu sous le nom d'écriture de l'Indus ou écriture harappéenne), celle-ci n'a pas encore été déchiffrée.
Ces trois désignations sont des constructions modernes, et rien n'est définitivement connu de l'origine, du développement, du déclin et de la chute de cette civilisation. Néanmoins, l'archéologie moderne a établi une chronologie et une périodisation probables :
- Pré-Harappéen - c. 7000 - c. 5500 avant J.-C.
- Harappéen précoce - c. 5500 - 2800 avant J.-C.
- Harappéen mature - c. 2800 - c. 1900 avant J.-C.
- Harappéen tardif - c. 1900 - c. 1500 avant J.-C.
- Post-Harappéen - c. 1500 - c. 600 avant J.-C.
La civilisation de la vallée de l'Indus est maintenant souvent comparée aux cultures beaucoup plus célèbres de l'Égypte et de la Mésopotamie, mais il s'agit d'un développement assez récent. La découverte de Harappa en 1829 a été la première indication de l'existence d'une telle civilisation en Inde. A cette époque, les hiéroglyphes égyptiens avaient été déchiffrés, des sites égyptiens et mésopotamiens avaient été fouillés et le cunéiforme allait bientôt être traduit par le savant George Smith (1840-1876). Les fouilles archéologiques de la civilisation de la vallée de l'Indus ont donc démarré bien tardivement, et l'on pense aujourd'hui que nombre des réalisations et des "premières" attribuées à l'Égypte et à la Mésopotamie pourraient en fait appartenir aux habitants de la civilisation de la vallée de l'Indus.
Les deux villes les plus connues de cette culture sont Harappa et Mohenjo-daro (situées dans l'actuel Pakistan), qui auraient toutes deux compté entre 40 000 et 50 000 habitants, ce qui est étonnant quand on sait que la plupart des villes anciennes comptaient en moyenne 10 000 habitants. La population totale de la civilisation aurait été de plus de 5 millions d'habitants et son territoire s'étendait sur 1 500 km le long des rives de l'Indus, puis dans toutes les directions. Des sites de la civilisation de la vallée de l'Indus ont été découverts près de la frontière du Népal, en Afghanistan, sur les côtes de l'Inde et autour de Delhi, pour ne citer que quelques endroits.
Entre 1900 et 1500 avant J.-C. environ, la civilisation commença à décliner pour des raisons inconnues. Au début du 20e siècle, on pensait que ce déclin avait été causé par une invasion de peuples à la peau claire venus du nord, connus sous le nom d'Aryens, qui avaient conquis un peuple à la peau sombre défini par les spécialistes occidentaux comme les Dravidiens. Cette affirmation, connue sous le nom de théorie de l'invasion aryenne, a été discréditée. On pense aujourd'hui que les Aryens - dont l'ethnie est associée aux Perses iraniens - migrèrent pacifiquement dans la région et mélangèrent leur culture avec celle des populations indigènes, tandis que le terme "dravidien" désigne désormais toute personne, quelle que soit son ethnie, parlant l'une des langues dravidiennes.
On ignore pourquoi la civilisation de la vallée de l'Indus déclina et s'effondra, mais les spécialistes pensent que cela pourrait être dû au changement climatique, à l'assèchement de la rivière Sarasvatî, à une modification de la trajectoire de la mousson qui arrosait les cultures, à la surpopulation des villes, au déclin du commerce avec l'Égypte et la Mésopotamie, ou à une combinaison de ces facteurs. Aujourd'hui, les fouilles se poursuivent sur de nombreux sites découverts jusqu'à présent et certaines découvertes futures pourraient fournir davantage d'informations sur l'histoire et le déclin de cette culture.
Découverte et premières fouilles
Les symboles et les inscriptions sur les artefacts des peuples de la civilisation de la vallée de l'Indus, qui ont été interprétés par certains chercheurs comme un système d'écriture, restent indéchiffrés. Les archéologues évitent donc généralement de définir une origine pour la culture, car toute tentative serait spéculative. Tout ce que l'on peut savoir de cette civilisation à ce jour provient des preuves matérielles mises au jour sur différents sites. L'histoire de la civilisation de la vallée de l'Indus ne peut donc être donnée qu'avec la découverte de ses ruines au XIXe siècle.
James Lewis (plus connu sous le nom de Charles Masson, 1800-1853) était un soldat britannique servant dans l'artillerie de l'armée de l'East India Company lorsqu'en 1827 il déserta avec un autre soldat. Afin d'éviter d'être repéré par les autorités, il changea son nom en Charles Masson et se lança dans une série de voyages à travers l'Inde. Masson était un numismate (collectionneur de pièces de monnaie) passionné, qui s'intéressait particulièrement aux pièces anciennes et, en suivant diverses pistes, il finit par fouiller lui-même des sites anciens. L'un de ces sites était Harappa, qu'il découvrit en 1829. Il semble avoir quitté le site assez rapidement, après en avoir fait état dans ses notes, mais, ne sachant pas qui aurait pu construire la ville, il l'attribua à tort à Alexandre le Grand lors de ses campagnes en Inde vers 326 avant notre ère.
Lorsque Masson retourna en Grande-Bretagne après ses aventures (et après avoir été en quelque sorte pardonné pour sa désertion), il publia son livre Narrative of Various Journeys in Balochistan, Afghanistan and the Punjab en 1842 qui attira l'attention des autorités britanniques en Inde et, en particulier, Alexander Cunningham. Sir Alexander Cunningham (1814-1893), ingénieur britannique dans le pays et passionné d'histoire ancienne, fondé en 1861 l'Archaeological Survey of India (ASI), une organisation dédiée au maintien d'un standard professionnel de fouilles et de préservation des sites historiques. Cunningham commença les fouilles du site et publia son interprétation en 1875 (dans laquelle il identifia et donna son nom à l'écriture de l'Indus) mais celle-ci était incomplète et manquait de définition car Harappa demeura isolée sans aucun lien avec une civilisation passée connue qui aurait pu la construire.
En 1904, un nouveau directeur de l'ASI fut nommé, John Marshall (1876-1958); il visita Harappa et conclut que le site représentait une ancienne civilisation inconnue jusqu'alors. Il ordonna que le site soit entièrement fouillé et, à peu près au même moment, il entendit parler d'un autre site, situé à quelques kilomètres de là, que la population locale appelait Mohenjo-daro ("le monticule des morts") en raison des ossements, tant animaux qu'humains, qui y avaient été trouvés, ainsi que de divers objets. Les fouilles à Mohenjo-daro commencèrent pendant la saison 1924-1925 et les similitudes entre les deux sites furent reconnues ; la civilisation de la vallée de l'Indus avait été découverte.
Harappa et Mohenjo-daro
Les textes hindous connus sous le nom de Védas, ainsi que d'autres grandes œuvres de la tradition indienne comme le Mahabharata et le Ramayana, étaient déjà bien connus des chercheurs occidentaux, mais ils ne savaient pas quelle culture les avait créés. Le racisme systémique de l'époque les empêchait d'attribuer les œuvres aux peuples de l'Inde, ce qui, dans un premier temps, conduisit les archéologues à conclure que Harappa était une colonie des Sumériens de Mésopotamie ou peut-être un avant-poste égyptien.
Harappa n'était cependant pas conforme à l'architecture égyptienne ou mésopotamienne, car il n'y avait aucune trace de temples, de palais ou de structures monumentales, aucun nom de roi ou de reine, aucune stèle ou statuaire royale. La ville s'étendait sur 150 hectares de petites maisons en briques avec des toits plats en argile. Il y avait une citadelle, des murs, les rues étaient disposées en grille, ce qui démontrait clairement un haut degré de compétence en matière d'urbanisme et, en comparant les deux sites, il était évident pour les fouilleurs qu'ils avaient affaire à une culture très avancée.
Les maisons des deux villes étaient équipées de toilettes à chasse d'eau, d'un système d'égouts, et les installations de chaque côté des rues faisaient partie d'un système de drainage élaboré, plus avancé encore que celui des premiers Romains. Des dispositifs connus en Perse sous le nom d'"attrape-vent" étaient fixés sur le toit de certains bâtiments, ce qui permettait de climatiser la maison ou le bureau administratif et, à Mohenjo-daro, il y avait un grand bain public, entouré d'une cour, avec des marches qui y menaient.
Au fur et à mesure que d'autres sites furent mis au jour, le même degré de sophistication et d'habileté apparut, ainsi que la compréhension du fait que toutes ces villes avaient été planifiées à l'avance. Contrairement à celles d'autres cultures qui se sont généralement développées à partir de communautés rurales plus petites, les villes de la civilisation de la vallée de l'Indus avaient été pensées, un site avait été choisi et construit à dessein avant d'être habitées. De plus, elles étaient toutes conformes à une vision unique, ce qui suggère un gouvernement central fort doté d'une bureaucratie efficace capable de planifier, de financer et de construire de telles villes. L'expert John Keay commente :
Ce qui a étonné tous ces pionniers, et qui reste la caractéristique distinctive des plusieurs centaines de sites harappéen aujourd'hui connus, est leur apparente similitude : "Notre impression dominante est celle d'une uniformité culturelle, à la fois tout au long des plusieurs siècles durant lesquels la civilisation harappéenne a prospéré, et sur la vaste zone qu'elle occupait." Les briques omniprésentes, par exemple, ont toutes des dimensions standardisées, tout comme les cubes de pierre utilisés par les Harappéens pour mesurer le poids sont également standardisés et basés sur le système modulaire. La largeur des routes est conforme à un module similaire ; ainsi, les rues sont généralement deux fois plus larges que les voies latérales, tandis que les artères principales sont deux fois ou une fois et demie plus larges que les rues. La plupart des rues fouillées jusqu'à présent sont droites et vont du nord au sud ou de l'est à l'ouest. Les plans de la ville se conforment donc à un quadrillage régulier et semblent avoir conservé cette disposition à travers plusieurs phases de construction. (9)
Les fouilles sur les deux sites se poursuivirent entre 1944 et 1948 sous la direction de l'archéologue britannique Sir Mortimer Wheeler (1890-1976) dont l'idéologie racialiste lui rendait difficile d'accepter que des personnes à la peau sombre aient construit les cités. Malgré cela, il réussit à établir une stratigraphie pour Harappa et à jeter les bases de la périodisation ultérieure de la civilisation de la vallée de l'Indus.
Chronologie
Le travail de Wheeler a fourni aux archéologues les moyens de reconnaître des dates approximatives depuis les fondations de la civilisation jusqu'à son déclin et sa chute. La chronologie est principalement basée, comme indiqué, sur les preuves physiques des sites harappéens mais aussi sur la connaissance de leurs contacts commerciaux avec l'Égypte et la Mésopotamie. Le lapis-lazuli, pour ne citer qu'un seul produit, était immensément populaire dans ces deux cultures et, bien que les chercheurs sachent qu'il provenait d'Inde, ils ne savaient pas d'où précisément jusqu'à la découverte de la civilisation de la vallée de l'Indus. Même si cette pierre semi-précieuse continua à être importée après la chute de la civilisation de la vallée de l'Indus, il est clair qu'au départ, une partie des exportations provenait de cette région.
- Pré-Harappéen - c. 7000 - c. 5500 avant notre ère: La période néolithique est mieux illustrée par des sites comme Mehrgarh qui montre des preuves de développement agricole, de domestication de plantes et d'animaux, et de production d'outils et de céramiques.
- Harappéen précoce - vers 5500-2800 avant notre ère: Le commerce est solidement établi avec l'Égypte, la Mésopotamie et peut-être la Chine. Des ports, des docks et des entrepôts sont construits près des voies navigables par des communautés vivant dans de petits villages.
- Harappéen mature - vers 2800 - vers 1900 avant notre ère: Construction des grandes villes et urbanisation généralisée. Harappa et Mohenjo-daro sont toutes deux florissantes vers 2600 avant notre ère. D'autres villes, telles que Ganeriwala, Lothal et Dholavira sont construites selon les mêmes modèles et ce développement du pays se poursuit avec la construction de centaines d'autres villes jusqu'à ce qu'il y en ait plus de 1 000 à travers le pays dans toutes les directions.
- Harappéen tardif - vers 1900 - vers 1500 avant notre ère: Déclin de la civilisation coïncidant avec une vague de migration du peuple aryen depuis le nord, très probablement le plateau iranien. Les preuves physiques suggèrent un changement climatique qui aurait provoqué des inondations, des sécheresses et des famines. Une perte des relations commerciales avec l'Égypte et la Mésopotamie a également été suggérée comme une cause contributive.
- Post-Harappéen - vers 1500 - vers 600 avant notre ère: Les villes sont abandonnées, et les gens se sont déplacés vers le sud. La civilisation s'est déjà effondrée lorsque Cyrus II (le Grand, r. c. 550-530 avant J.-C.) envahit l'Inde en 530 avant J.-C..
Aspects de la culture
Les habitants semblent avoir été principalement des artisans, des agriculteurs et des marchands. Il n'y a aucune preuve de l'existence d'une armée permanente, de palais ou de temples. Le grand bain de Mohenjo-daro aurait été utilisé pour des rites de purification liés à la croyance religieuse, mais il s'agit d'une conjecture ; il pourrait tout aussi bien s'agir d'une piscine publique pour les loisirs. Chaque ville semble avoir eu son propre gouverneur, mais on suppose qu'il devait y avoir une forme de gouvernement centralisé afin d'obtenir l'uniformité des villes. Commentaires de John Keay :
Les outils, ustensiles et matériaux harappéens confirment cette impression d'uniformité. Peu familiers avec le fer - qui était inconnu au troisième millénaire avant J.-C. - les Harappéens tranchaient, raclaient, biseautaient et perçaient avec une "compétence naturelle" en utilisant un ensemble standardisé d'outils fabriqués en chert, une sorte de quartz, ou en cuivre et en bronze. Ces derniers, ainsi que l'or et l'argent, étaient les seuls métaux disponibles. Ils étaient également utilisés pour le moulage de récipients et de statuettes et pour la fabrication de divers couteaux, hameçons, pointes de flèches, scies, ciseaux, faucilles, épingles et bracelets. (10)
Parmi les milliers d'artefacts découverts sur les différents sites, on trouve de petits sceaux en stéatite d'un peu plus d'un pouce (3 cm) de diamètre que les archéologues interprètent comme ayant été utilisés pour l'identification personnelle dans le commerce. Comme les sceaux cylindriques de Mésopotamie, on pense que ces sceaux étaient utilisés pour signer des contrats, autoriser des ventes de terres et authentifier le point d'origine, l'expédition et la réception de marchandises lors d'échanges à longue distance.
Le peuple avait développé la roue, les charrettes tirées par le bétail, les bateaux à fond plat suffisamment larges pour transporter les marchandises, et peut-être aussi la voile. Dans le domaine de l'agriculture, ils avaient compris et utilisé les techniques d'irrigation et les canaux, divers outils agricoles, et avaient établi différentes zones pour le pâturage du bétail et les cultures. Des rituels de fertilité furent sans doute observés afin de favoriser une pleine récolte ainsi que pour les grossesses des femmes, comme en témoignent un certain nombre de figurines, d'amulettes et de statuettes à forme féminine. On pense que le peuple vénérait une déesse mère et, éventuellement, un compagnon masculin représenté sous la forme d'une figure cornue en compagnie d'animaux sauvages. Les croyances religieuses de cette culture sont toutefois inconnues et toute suggestion doit être spéculative.
Leur niveau de compétence artistique est évident grâce aux nombreuses découvertes de statues, de sceaux en stéatite, de céramiques et de bijoux. L'œuvre d'art la plus célèbre est la statuette en bronze de 10 cm de haut, connue sous le nom de "Fille qui danse", découverte à Mohenjo-daro en 1926. La pièce représente une adolescente, la main droite sur la hanche, la gauche sur le genou, le menton levé comme pour évaluer les prétentions d'un prétendant. Une autre pièce tout aussi impressionnante est une figure en stéatite de 17 cm de haut, connue sous le nom de "Roi-Prêtre", représentant un homme barbu portant une coiffe et un brassard ornemental.
Un aspect particulièrement intéressant de l'œuvre d'art est l'apparition de ce qui semble être une licorne sur plus de 60 % des sceaux personnels. Il y a beaucoup d'images différentes sur ces sceaux mais, comme le note Keay, la licorne apparaît sur "1156 sceaux et cachets sur un total de 1755 trouvés sur les sites Harappéens matures" (17). Il note également que les sceaux, quelle que soit l'image qu'ils portent, comportent également des marques qui ont été interprétées comme des caractères indus, ce qui suggère que l'"écriture" avait une signification différente de celle de l'image. La "licorne" pourrait avoir représenté la famille, le clan, la ville ou l'affiliation politique d'un individu, et l'"écriture" ses informations personnelles.
Déclin et théorie de l'invasion aryenne
Tout comme il n'y a pas de réponse définitive à la question de savoir ce qu'étaient les sceaux, ce que représentait la "licorne" ou comment les gens vénéraient leurs dieux, il n'y en a pas non plus pour expliquer le déclin et la chute de cette culture. Entre 1900 et 1500 avant J.-C., les villes furent progressivement abandonnées et les populations se déplacèrent vers le sud. Comme indiqué, il existe un certain nombre de théories à ce sujet, mais aucune n'est totalement satisfaisante. Selon l'une d'entre elles, la rivière Gaggar-Hakra, identifiée à la rivière Sarasvatî dans les textes védiques et qui coulait à côté de l'Indus, s'assécha vers 1900 avant notre ère, ce qui nécessita un déplacement important des populations qui en dépendaient. L'envasement significatif de sites tels que Mohenjo-daro suggère une inondation majeure qui est donnée comme une autre cause.
Une autre possibilité est une baisse des biens commerciaux nécessaires. La Mésopotamie et l'Égypte connaissaient toutes deux des problèmes à la même époque, ce qui aurait pu entraîner une importante perturbation du commerce. La période de l'Harappéen tardif correspond approximativement à l'âge du bronze moyen en Mésopotamie (2119-1700 avant J.-C.), période pendant laquelle les Sumériens - les principaux partenaires commerciaux des peuples de la vallée de l'Indus - s'efforçaient de chasser les envahisseurs gutis et, entre 1792 et 1750 avant J.-C., le roi babylonien Hammourabi conquit les cités-États pour consolider son empire. En Égypte, la période correspond à la dernière partie du Moyen Empire (2040-1782 avant notre ère), lorsque la faible 13e dynastie régnait juste avant l'arrivée des Hyksos et la perte de pouvoir et d'autorité du gouvernement central.
Cependant, la raison sur laquelle les experts du début du XXe siècle se sont appuyés n'était aucune de ces raisons, mais l'affirmation selon laquelle les peuples de la vallée de l'Indus avaient été conquis et chassés vers le sud par une invasion d'une race supérieure d'Aryens à la peau claire.
La théorie de l'invasion aryenne
Les spécialistes occidentaux s'étaient intéressés la traduction et à l'interprétation de la littérature védique de l'Inde depuis plus de 200 ans lorsque Wheeler commença à fouiller les sites et, au cours de cette période, ils élaborèrent la théorie selon laquelle le sous-continent avait été conquis à un moment donné par une race à la peau claire connue sous le nom d'Aryens qui auraient établi une culture élevée dans tout le pays. Cette théorie se développa lentement et, au début, innocemment, grâce à la publication d'un ouvrage du philologue anglo-gallois Sir William Jones (1746-1794) en 1786. Jones, un lecteur assidu de sanskrit, nota qu'il y avait des similitudes remarquables entre cette langue et les langues européennes et affirma qu'il devait y avoir une source commune à toutes ces langues ; il appela cette source le proto-indo-européen.
Plus tard, des spécialistes occidentaux, essayant d'identifier la "source commune" de Jones, conclurent qu'une race à la peau claire venue du nord - quelque part en Europe - avait conquis les terres du sud, notamment l'Inde, y établissant une culture et propageant sa langue et ses coutumes, même si rien, objectivement, ne confirmait cette opinion. Un écrivain élitiste français, Joseph Arthur de Gobineau (1816-1882), popularisa ce point de vue dans son ouvrage intitulé Essai sur l'inégalité des races humaines, publié en 1855, et il affirma que les races supérieures, à la peau claire, avaient du "sang aryen" et étaient naturellement disposées à dominer les races inférieures.
Le livre de Gobineau fut admiré par le compositeur allemand Richard Wagner (1813-1883), dont le gendre d'origine britannique, Houston Stewart Chamberlain (1855-1927), popularisa les idées dans son œuvre, qui finit par influencer Adolf Hitler et l'architecte de l'idéologie nazie, Alfred Rosenberg (1893-1946). Ces vues racialistes ont été validées par un philologue et érudit allemand qui ne les partageait pas, Max Muller (1823-1900), le soi-disant "auteur" de la théorie de l'invasion aryenne qui insista, dans tous ses travaux, sur le fait que l'aryen était lié à une différence linguistique et n'avait rien à voir avec l'ethnicité.
Cependant, ce que Muller dit n'avait guère d'importance car, au moment où Wheeler fouilla les sites dans les années 1940, les gens respiraient ces théories avec l'air du temps depuis plus de 50 ans. Il faudra encore des décennies avant que la majorité des savants, des écrivains et des universitaires ne commencent à reconnaître que le terme "aryen" désignait à l'origine une catégorie de personnes - n'ayant rien à voir avec la race - et, selon l'archéologue J. P. Mallory, "en tant que désignation ethnique, le mot [aryen] se limite le plus justement aux Indo-Iraniens" (Farrokh, 17). Les premiers Iraniens s'identifiaient comme Aryens, ce qui signifie "noble", "libre" ou "civilisé", et le terme est resté en usage pendant plus de 2000 ans, jusqu'à ce qu'il soit corrompu par les racistes européens pour servir leur propre agenda.
L'interprétation des sites par Wheeler s'inspira de la théorie de l'invasion aryenne, qu'elle valida par la suite. Les Aryens étaient déjà reconnus comme les auteurs des Védas entre autres ouvrages, mais leur présence dans la région était trop tardive pour étayer l'affirmation selon laquelle ils avaient construit les villes impressionnantes ; peut-être, cependant, les avaient-ils détruites. Wheeler était, bien sûr, aussi au courant de la théorie de l'invasion aryenne que n'importe quel autre archéologue de l'époque et, à travers ce prisme, il interpréta ce qu'il avait trouvé comme étant en sa faveur ; ce faisant, il valida la théorie qui gagna ensuite en popularité et en acceptation.
Conclusion
La théorie de l'invasion aryenne, bien qu'elle soit toujours citée et avancée par ceux qui ont un programme racialiste, a perdu de sa crédibilité dans les années 1960 grâce au travail, principalement, de l'archéologue américain George F. Dales qui a examiné les interprétations de Wheeler, a visité les sites et n'a trouvé aucune preuve pour la soutenir. Les squelettes que Wheeler avait interprétés comme étant morts d'une mort violente au combat ne présentaient pas de tels signes et les villes ne présentaient aucun dommage associé à la guerre.
De plus, il n'y avait aucune preuve d'une quelconque mobilisation d'une grande armée du nord ni d'une quelconque conquête vers 1900 avant notre ère en Inde. Les Perses - la seule ethnie qui s'identifie comme aryenne - étaient eux-mêmes une minorité sur le plateau iranien entre 1900 et 1500 avant J.-C. et n'étaient pas en mesure d'organiser une quelconque invasion. Il a donc été suggéré que l'"invasion aryenne" était en fait plus probablement une migration d'Indo-Iraniens qui fusionnèrent pacifiquement avec les populations indigènes de l'Inde, se marièrent et furent assimilés dans la culture.
Au fur et à mesure que les fouilles des sites de la civilisation de la vallée de l'Indus se poursuivent, de nouvelles informations contribueront sans aucun doute à une meilleure compréhension de son histoire et de son développement. La reconnaissance des vastes réalisations de cette culture et de son haut niveau de technologie et de sophistication est de plus en plus mise en lumière et suscite une attention accrue. L'expert Jeffrey D. Long exprime le sentiment général en écrivant : "cette civilisation suscite une grande fascination en raison de son haut niveau d'avancement technologique" (198). D'ores et déjà, la civilisation de la vallée de l'Indus est considérée comme l'une des trois plus grandes civilisations de l'Antiquité, aux côtés de l'Égypte et de la Mésopotamie, et les fouilles à venir ne manqueront pas de rehausser encore son rang.